Entretien avec Ludovic Balmer, Directeur de Leman Bio Energie, spécialiste de la production de Biocarburant de seconde génération à partir du traitement des huiles de friture usagées.
Le biocarburant, c'est quoi ?
Le biocarburant de seconde génération est un produit issu du recyclage et de la valorisation des huiles de friture usagées, utilisées dans la restauration. Comme son nom l'indique, c'est un carburant ! Il est utilisé tel quel (B100) pour faire rouler des véhicules poids lourds, ou utilisé en additif au diesel (B10 à B30) pour tous les véhicules Diesel. Si l'on compare les cycles de vie du diesel et de notre biocarburant issu de l'économie circulaire Suisse, nous économisons deux tiers (66%) des émissions de CO2.
Qui vous fournit les huiles usagées pour produire le biocarburant ?
Les entreprises actives dans le domaine de la restauration. Nous avons des clients restaurateurs ainsi que quelques chaines de fast-food, qui nous confient des volumes importants d'huiles végétales, car ils doivent les changer régulièrement. Ainsi, ces déchets sont transformés en nouvelles ressources afin d'alimenter une partie de notre flotte.
Quelle est la production annuelle de biocarburant de Léman Bio Energie ?
En 2019, 1'350'000 Litres de biocarburant ont été produits et vendus, dont 500'000 Litres utilisés par nos entreprises soeurs,
Transvoirie et
Swiss Recycling Services, membres d'Helvetia Environnement.
Combien de camions de l'entreprise roulent au biocarburant ?
Nous avons une partie des camions (environ 30% de notre flotte) qui fonctionnent avec notre biocarburant à 100%. Mais aussi d'autres véhicules - même les véhicules légers comme des voitures l'utilisent. Cela représente plus de 500'000 L de biocarburant consommé par année pour l'ensemble d'Helvetia Environnement.
Il y a aussi d'autres clients qui l'achètent ? Qui sont-ils ? Pourquoi l'utilisent-ils?
Nous avons des clients transporteurs, des institutions, et aussi des pétroliers. Ils l'utilisent pour deux raisons principales : de manière volontaire pour être plus écologique et durable, mais aussi sur le plan économique, il est moins onéreux que le diesel. Quand la conjoncture économique est favorable au biocarburant et que le diesel est plus onéreux, de nombreuses entreprises se tournent vers l'achat de biocarburant pour réduire leur empreinte carbone tout en faisant des économies significatives.
Sous la thématique de l'économie circulaire, quel serait le client idéal ?
Le client idéal pour une économie circulaire serait, par exemple, une entreprise de transports alimentaire. Imaginons un camion qui utilise du biocarburant et qui transporte des aliments à un restaurateur. En un seul transport, le camion peut effectuer sa livraison chez le restaurateur et sur le retour, transporter les huiles usagées et ainsi les livrer dans notre usine d'Etoy pour être recyclées en biocarburant. C'est toute la logique de la reverse logistique qui vise à optimiser les transports de marchandises sans perte de valeur et en optimisant notre production de CO2. De cette manière, on réduit de moitié les trajets et les émissions.
Quel est l'avantage de donner ses huiles usagées pour les transformer en biocarburant ?
Valoriser les huiles alimentaires usagées est une nécessité, nous les collectons donc gratuitement. Il y a don un avantage économique mais surtout un avantage écologique qui satisfait nos clients. Les usagers prennent de plus en plus conscience de notre responsabilité envers l'environnement et ils ont envie d'être acteur de ce changement.
Quels sont les enjeux écologiques et économiques autour du biocarburant ?
Le biocarburant s'inscrit parmi les ressources les moins polluantes, avec les véhicules électriques et hybrides et d'autres comme l'hydrogène. Toutefois, il faut savoir que le biocarburant n'est pas la seule solution pour réduire nos émissions et devenir carbon-neutre. Les avantages pratiques sont une réduction des émissions de CO2 et une réutilisation des ressources, mais les émissions sont de toute façon présentes. Pourtant, il permet une transition vers une économie circulaire, car les déchets produits peuvent être transformés en ressources moins polluantes que les énergies fossiles.
Le biocarburant permet de participer à court terme à la transition écologique.
Quelles sont les difficultés majeures ?
Le biocarburant est un substitut et/ou un additif au diesel, qui, dans le marché global, dépend fortement des coûts du pétrole. Pour rendre le biocarburant économiquement viable, son prix doit être plus bas que celui du pétrole, sinon les entreprises n'ont pas d'intérêt économique à acheter le produit. Le même discours est valable pour les plastiques vierges et tous les produits dérivés du pétrole.
Helvetia Environnement a décidé de maintenir un prix concurrentiel afin de pouvoir vendre le biocarburant produit. Mais la crise sanitaire Covid-19 a engendré une chute des prix du baril de pétrole, ce qui représente une menace pour notre activité.
Par ailleurs, la Confédération n'incite pas à la consommation des biocarburants, il n'y a pas d'obligation d'utiliser une fraction de biocarburant où d'autres sources moins polluantes. Le choix est donc laissé aux consommateurs. Le choix économique prime sur le choix écologique et cela est fortement regrettable ! Le biocarburant est une piste intéressante pour réduire drastiquement nos émissions de CO2, il pourrait largement s'inscrire dans la stratégie Energie Suisse 2050 qui vise à réduire nos émissions.